Entrevue - LENNY KRAVITZ
[large]Du funk, du pop et du rock pour son 9e album[/large]
03-09-2011 | 03h48
Le fait de grandir aux États-Unis n’a jamais été une question aussi simple que la distinction entre le Noir et le Blanc pour Lenny Kravitz. Né de l’actrice afro-américaine Roxie Roker et du producteur juif Sy Kravitz, l’artiste dit n’avoir jamais totalement trouvé sa place au sein des différents groupes formés par ses camarades de classe. Mais il ne changerait pour rien au monde son parcours.
«Parce que je n’étais pas à ma place nulle part, j’étais à ma place partout à la fois, explique le musicien âgé de 47 ans. Et j’étais à l’aise avec cette notion. Lorsque tu vas à l’école –au primaire, au secondaire–, il y a souvent des cliques qui se forment. À Los Angeles, j’avais des amis dans toutes les cliques. J’étais le jeune qui se baladait d’un groupe à l’autre –une journée j’étais avec un tel et le lendemain j’étais ailleurs. C’est simplement la façon dont j’ai grandi.»
C’est aussi dans cet esprit qu’il fait sa musique. Depuis la sortie de son premier album,
Let Love Rule, en 1989, Kravitz a brouillé les limites des genres, mélangeant rock, funk, soul, pop et s’appropriant du même coup un son hybride plus personnel qui entremêle à la fois un style contemporain et classique.
Pour son neuvième opus,
Black and White America, il joue encore des deux côtés de la clôture, présentant une bonne dose de funk de la vielle-école inspirée de James Brown et des formations The Brothers Johnson et Earth, Wind and Fire, tout en sautant de pied ferme dans la pop et le rock des années 1970.
Entre les répétitions avec ses musiciens et le tournage du film
The Hunger Games, Kravitz nous a raconté la genèse de son nouvel album.
Depuis plusieurs années, il y a des rumeurs voulant que tu planches sur un album inspiré de la vieille école funk intitulé Negrophilia. Est-ce que ton nouvel opus a découlé de ce projet?
Non, il s’agit de mauvaises informations qui ont circulé sur la toile et que j’aimerais bien voir disparaître. Ce projet n’a rien à voir avec
Negrophilia. C’est quelque chose de tout nouveau. Lorsque je me suis rendu à ma résidence des Bahamas, je croyais y terminer Negrophilia, mais j’ai plutôt entamé un nouvel album. Mais cette histoire est sortie et maintenant tout le monde pense qu’il s’agit de ce disque. Ce n’est pas le cas. C’est du matériel complètement frais. Mais il s’agit pourtant d’un album très funky.
Comment son style est-il différent de Negrophilia?
Cet album est très funky, en effet, mais il est encore plus à la source du funk –très cru, très disjoint. Il sonne comme s’il avait été enregistré dans un sous-sol. Cette galette est en fait un album double. Même s’il s’agit d’un seul disque, j’ai planifié le lancement d’un vinyle double sur lequel je pourrais explorer un territoire plus vaste. J’ai toujours été inspiré par ce genre d’album, comme
Electric Ladyland,
The White Album ou
Sign o' the Times. Je voulais m’approprier ce genre de latitude. C’est la seule conviction que j’avais lorsque je me suis lancé dans ce projet.
Tu n’avais pas écrit de chansons?
Pas une seule. Je travaillais alors sur
Negrophilia et un jour, tout à coup, je me suis réveillé avec une chanson en tête. Je suis allé en studio pour la travailler. Je me suis dit que ce que je venais de faire n’avait rien à voir avec l’autre projet et que j’allais me servir de la chanson pour autre chose. Puis, une autre pièce m’est venue en tête; c’était
Black and White America. Et encore une autre. C’est là que j’ai réalisé que je m’aventurais sur une tout autre avenue. À ce stade, tu dois faire un choix: tu suis le plan original ou une nouvelle inspiration. Et en ce qui me concerne, il faut toujours y aller avec la nouvelle inspiration.
La chanson Black and White America semble personnelle. Quelle était l’idée derrière ça?
J’avais vu un documentaire sur les Américains racistes qui n’aimaient pas ce que leur pays était devenu. Ils étaient remplis de haine et ils disaient vouloir tuer le président, en plus d’affirmer que les races ne devraient pas être mélangées. Nous savons tous que le racisme existe, mais de voir ces personnes et de les entendre parler d’une façon si ignorante et haineuse m’a vraiment pris par surprise. Je me suis donc mis à réfléchir à Martin Luther King, à ce que mes parents ont dû subir et à la façon dont j’ai été élevé. Savoir comment on fait encore face à tout ceci est devenu pour moi le noyau de cet album.
Comme d'habitude, tu joues pratiquement de tous les instruments, mais contrairement à d’autres artistes solos, tu sonnes toujours comme un groupe.
Je suis schizophrène et je m’approprie différentes personnalités lorsque je joue des instruments. Je deviens le musicien, quel qu’il soit. Je peux jouer de la basse et m’imaginer dans la peau d’un Afro-Américain obèse de Détroit. Ou je peux devenir un guitariste maigrichon du quartier Lower East de Manhattan. Je suis influencé par tellement de genres musicaux et de musiciens que j’ai dans ma poche tout un vocabulaire et un éventail de personnages. Plus que n’importe quoi, je suis un homme de band, en fait un homme de plusieurs groupes.